Marie Albertini, forte d’ambition dans Women Side

Femme de Droit, Maitre Marie Albertini s’est entretenue avec nous, avec l’authenticité et la force dont nous rêvions. Elle nous a reçu au Cabinet Reed Smith à Paris, au sein duquel elle est associée depuis 2005, date de sa création, tout en animant pour le bureau de Paris le Women’s Initiative Network.

Conviction et passion riment avec une femme d’exception.

Quel parcours avez-vous ? Etait-il prévu ? 
 Je me suis passionnée pour le droit en DEA car j’ai compris son utilité pratique. Et j’ai eu beaucoup de chance car en devenant avocat, j’ai découvert un métier qui continue à me passionner.
Mon parcours a été varié du fait des différentes structures dans lesquelles j’ai travaillé. J’ai commencé dans un cabinet « à l’ancienne », avec un associé unique, un patron, qui m’a recruté en cinq minutes au feeling.
C’était une forte personnalité du barreau qui s’appelait Francois Sarda (ndlr mort en 2005).  Durant cette 1ère expérience de deux ans, ce grand avocat a fait  preuve à la fois de  paternalisme et d’une grande confiance. Pour exemple, au début de ma collaboration, un vendredi soir, il me lance « Marie, il y a une audience aux Assises Lundi, vous y allez ». J’étais terrorisée, n’ayant jamais mis les pieds aux Assises  mais cela ne lui   posait pas problème. Il travaillait surtout avec des femmes et savait leur donner leur chance.
Ensuite j’ai intégré le cabinet Rambaud Martel. Cette nouvelle expérience était très différente car il s’agissait d’un cabinet important sur la place de Paris, à l’esprit  familial, où tous les associés étaient d’anciens collaborateurs qui avaient, pour la plupart, débuté chez Rambaud Martel. 

Avez-vous connu des situations sexistes dans votre métier ? 
J’ai passé quinze ans, dont dix en tant qu’associée, dans une véritable culture Rambaud Martel qui était fantastique sans aucun sexisme conscient. Les femmes accédaient à la fonction d’associée dans les mêmes conditions que les hommes. Nous ne devions pas être loin de la parité !
Je n’ai pas souffert de machisme, mais quelques années plus tard, grâce à Brigitte Grésy avec son
 Petit Traité contre le sexisme ordinaire , je me suis rendue compte que certains comportements n’avaient pas été exempts de sexisme. Quand j’étais collaboratrice ou même jeune associée, un des associés avec lesquels je m’entendais bien m’appelait en plaisantant de petits noms affectueux. Entre nous, en interne, cela pouvait passer mais il lui arrivait aussi de le faire en réunion.
Sur le coup, ça ne me choquait pas. Cela avait encore un côté paternaliste , mais je ne réalisais pas la façon dont cela me positionnait vis-à-vis des clients. Je pense que ce n’était pas volontaire chez lui d’ailleurs. Par contre, il y a une règle que j’ai saisie très vite : ne jamais servir le café. Parce que, lorsque l’on est une jeune associée ou collaboratrice autour de la table, les hommes ont tendance à se tourner vers vous pour ce genre de tâches. 

Cela peut sembler un détail mais ce n’en était pas un.

 » Il y a une règle que j’ai saisie très vite : ne jamais servir le café. « 

Vous gérez maintenant le Women’s Initiative du Cabinet Reed Smith à Paris. Comment ce projet est venu jusqu’à vous ? 
En 2005, j’ai découvert  la culture anglo-saxonne en créant le cabinet Reed Smith à Paris. J’étais la seule femme associée et les Etats-Unis m’ont demandé de diriger le Women’s Initiative. L’associée américaine en charge de ce programme me l’a expliqué et j’ai été immédiatement partante ! J’ai accepté parce qu’au départ je trouvais l’idée intéressante. Aujourd’hui, c’est par conviction et ce depuis dix ans, que je l’anime avec un objectif et une ambition : aider au développement de carrière des femmes.
Nous faisons en interne des réunions. Il existe aussi différents programmes à tous les stades de la collaboration, notamment au moment crucial du congé maternité afin d’accompagner les avocates pour qu’elles ne se laissent pas complétement déconnecter et les aider à leur retour. Nous sensibilisons les jeunes femmes car elles considèrent qu’elles doivent être traitées comme les hommes, ayant fait les mêmes études, et elles ne comprennent pas pourquoi il y aurait un changement dans leur vie professionnelle. Elles sont trop souvent incrédules quand nous  leur expliquons que les obstacles sont nombreux  et qu’il est de leur intérêt de se préparer à les surmonter. C’est  souvent au premier congé maternité qu’elles s’en rendent compte, au moment où elles plafonnent et voient des hommes avec les mêmes compétences et les mêmes parcours progresser plus rapidement qu’elles.
Chez Reed Smith, il y a un réel respect de l’équilibre entre la sphère privée et la sphère professionnelle qui s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Nous voyons ainsi davantage de collaborateurs et d’associés prendre leurs jours de congés paternité.
Nous aidons aussi les femmes à développer leur réseau professionnel. J’organise des réunions autour de femmes qui sont des rôles modèles. Nous avons ainsi reçu, par exemple, Dominique de La Garanderie , alors la première et seule femme à  avoir été bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris.
En externe, deux fois par an, nous organisons des événements tournés vers nos clientes et prospects.
Ainsi, j’invite une personnalité à venir parler de son expérience et d’une thématique en relation avec la carrière des femmes. Ce sont toujours des profils très différents. Aussi bien Muriel Mayette lorsqu’elle était la 1er administratrice générale de la Comédie Française, que Véronique Morali (Présidente de Fimalac Développement, fondatrice de l’association Force Femmes et du site Terrafemina), Brigitte Grésy(Inspectrice générale des affaires sociales, spécialiste des questions d’égalité hommes / femmes), et Nicole Notat (ex Secrétaire  générale de la CFDT, fondatrice et Présidente de VIGEO, société d’évaluation des performances RSE des entreprises) qui nous a notamment expliqué comment la parité était prise en compte dans les critères de notation extra financière.
De temps en temps, j’ouvre ces réunions aux hommes, parce qu’ils sont parfois réticents que nous invitions leurs clientes mais je constate qu’ils sont peu à venir ! 

Selon vous, pourquoi les femmes sont-elles l’objet d’un traitement particulier ?
Parce qu’il y a une auto censure, un manque de confiance. L’éducation avec ses stéréotypes y est pour beaucoup. Les femmes ambitieuses seront trop souvent critiquées alors que cette qualité est valorisée chez les  hommes.
Un homme qui aura 50% des compétences requises dira qu’il est l’homme de la situation, alors qu’une femme avec 85% de ces compétences ne sera pas sure d’être la bonne personne.  C’est vrai qu’il y a un double effort à faire de la part des femmes : être performantes et le faire savoir. C’est ce que j’explique aux jeunes collaboratrices : projeter toujours l’image  de celle que vous voulez devenir. Elles doivent prendre leur place sinon personne ne la leur donnera.

 

 » Un homme qui aura 50% des compétences requises dira qu’il est l’homme de la situation, alors qu’une femme avec 85% de ces compétences ne sera pas sure d’etre la bonne personne ».

Avez-vous des modèles de leadership ?
Dans mon parcours, il y a une femme pour laquelle j’ai beaucoup d’admiration et que j’ai connue chez Rambaud Martel, Claudine Maitre Devallon, une avocate en Droit de la Concurrence de très grand talent, extrêmement professionnelle et humaine avec une éthique irréprochable. Elle savait, de plus, préserver avec beaucoup d’intelligence et de finesse  sa vie privée tout en se consacrant pleinement à son métier d’avocat et à son rôle d’associée. Elle a été un exemple. C’est à elle, qui m’a recrutée, que je demandais des conseils.
Avez-vous un proverbe ou une phrase que vous aimez particulièrement citer ? 
Il me vient une phrase qui n’est pas simplement professionnelle et qui parait un peu dure.
« Tout ce qui ne te tue pas,  te rend plus fort ».
C’est en surmontant des épreuves (petites ou grandes) qu’on apprend et qu’on s’améliore.

 

Toute l’actualité du cabinet Reed Smith Paris : http://www.reedsmith.com/fr/eme/paris/

 

Capucine Bertrand 

Juin 2015
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